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Famille Ortola, deux générations pour la
révélation du terroir du Quatourze

Ortola, c’est un vignoble, des domaines, mais aussi un restaurant et une brasserie. Et avant tout, il s’agit d’une famille dont Hélène et Nelson sont la troisième génération en recherche constante du juste équilibre.

Les grands-parents d’Hélène et Nelson Ortola ont tout d’abord acheté Notre Dame du Quatourze dans les années 1960. Puis Georges, leur père, ingénieur de formation, revient au métier de ses parents et acquiert le Château Tapie en 1983. Cinq ans plus tard, avec sa femme Suzanne, qui avait un domaine familial sur le Canet d’Aude, ils achètent aussi le Château de Lunes.

Ces deux domaines étaient à l’abandon. Ils y conserveront les vieux carignans et replanteront du mourvèdre, de la syrah, du grenache rouge, vermentino,
grenache blanc, viognier blanc. En 2013, Nelson et Hélène, rejoignent l’entreprise familiale. Leur implantation sur le terroir du Quatourze, petite appellation entre l’étang de Bages et les collines de la Clape avec un sol typique du delta de l’Aude – argilo-calcaire et galets roulés –, en fait la seule cave particulière en AOP Languedoc Quatourze uniquement en rouge. Les blancs et rosés sont produits en AOP Languedoc et IGP. À partir de 2016, au-delà des châteaux, ils
décident de communiquer sous leur nom : domaine Ortola.

La bio en deuxième génération

« Depuis longtemps, le domaine était partisan d’une agriculture raisonnée, introduit Hélène Ortola, les interventions étaient limitées le plus possible. » « Et notre père trouvait qu’il y avait quelque chose de pas net dans les produits chimiques qu’il utilisait, renchérit son frère, Nelson. Il avait une intuition, un bon sens paysan, lui disant que ce n’était pas normal d’utiliser tout ça. »

En effet, Georges Ortola remarque qu’avec l’application récurrente des insecticides, acaricides, d’autres populations de ravageurs explosaient.
Cela devenait un cercle infernal. Il devint évident qu’il fallait retourner à un équilibre. En 2008, il sort ses premières cuvées bio et la conversion en biodynamie suit de près en 2012. L’arrivée de Nelson et Hélène assure la poursuite du développement de ces techniques vertueuses. « Le microclimat
du Quatourze nous est très favorable, précise Hélène Ortola. Nous sommes sous un climat méditerranéen avec la Clape qui bloque les entrées maritimes :
la pluviométrie est donc faible, la pression maladie très basse. Dans le même temps, nous bénéficions de la fraîcheur conférée par la proximité de la mer et de l’étang de Bages. Les effets des canicules estivales sont ainsi atténués. »

« Nous partons du principe que le sol est la base sur lequel tout va reposer. Si le sol est vivant et bien équilibré, la vigne saura se débrouiller pour à la fois se défendre et produire, détaille Nelson Ortola. La vie sur le sol faisant vivre la vie du sol, nous essayons de toucher ce dernier le moins possible et avons des vignes enherbées une grande partie de l’année. Nous pourrions laisser beaucoup d’herbe mais sur les rouges, cela pompe trop, en particulier sur le rang. » L’enherbement est quasiment naturel. « En effet, après 15 années de semis, nous avons maintenant un couvert issu de la flore naturelle mais aussi du stock grainier résiduel des semis réalisés », précise Hélène Ortola. L’inter-rang étant le plus souvent broyé, la biomasse vient donc enrichir et nourrir la vie du sol. Les griffages sont réalisés avec parcimonie dans l’optique de décompacter, aérer. Et ce, toujours dans l’idée d’avoir un sol bien vivant et des micro-organismes très actifs. Les actions phares sont celles de la gestion du rang. « On prépare avec de l’intercep pendant l’hiver, c’est assez chronophage mais nécessaire avant l’entretien du printemps », poursuit le vigneron. Pour ce faire, il alterne des outils Clemens et Belhomme, lames et versoirs (charrue et décavaillonneuse). Par ailleurs, les vignes sont équipées d’un système d’irrigation en goutte-àgoutte.

« Nous n’irriguons pas dans l’optique d’atteindre des rendements supérieurs, précise Hélène Ortola, mais c’est pour nous une assurance afin de passer les moments critiques engendrés par les canicules de plus en plus fréquentes. Nous adaptons aux besoins vitaux. » 

Un pilotage au millésime

Les interventions dans l’inter-rang sont pilotées par l’observation et l’évaluation de la concurrence. « Cela est donc fonction du stade de la vigne et de la météo », précise Nelson Ortola. Dans ce cas, une destruction du couvert est envisagée, soit légère avec des pointes, soit plus drastique avec des lames pattes d’oie. La végétation est ensuite enfouie pour favoriser la minéralisation. « On adapte aussi le nombre d’inter-rangs travaillés, un sur deux au début car on garde une bande de roulement pour les traitements, voire trois sur quatre si c’est très sec. » Les vignerons ont testé le rolofaca pour la destruction de leurs couverts mais n’ont pas trouvé la technique adaptée à leur terroir.

« Ça tasse trop le sol, puis entraîne des baisses de rendement, de productivité », précise Nelson Ortola. Pour atteindre les objectifs, des apports sont faits régulièrement. Après avoir essayé des amendements à base de compost, la fertilisation est actuellement davantage axée sur des produits azotés
à base de fientes de volailles. « Nous appliquons 1 t/ha sur l’ensemble en sortie d’hiver, soit février-mars, explique Hélène Ortola. L’idée est que cet apport
relance la vie du sol afin de nourrir à la fois la vigne et les couverts végétaux qui seront restitués. » Un complément est apporté en foliaire en saison avec les extraits fermentés.

Ça tasse trop le sol, puis entraîne des baisses de rendement, de productivité », précise Nelson Ortola. Pour atteindre les objectifs, des apports sont faits régulièrement. Après avoir essayé des amendements à base de compost, la fertilisation est actuellement davantage axée sur des produits azotés
à base de fientes de volailles. « Nous appliquons 1 t/ha sur l’ensemble en sortie d’hiver, soit février-mars, explique Hélène Ortola. L’idée est que cet apport
relance la vie du sol afin de nourrir à la fois la vigne et les couverts végétaux qui seront restitués. » Un complément est apporté en foliaire en saison avec les extraits fermentés.

Un équilibre sanitaire

« Comme l’avait constaté notre père, sans acaricides ni insecticides, nous avons moins de problèmes de ravageurs, rappelle Nelson Ortola. Pour gérer eudémis, dont la pression est très forte dans le secteur, nous avons été dans les premiers à passer en confusion sexuelle et cela fonctionne très bien. » 

Depuis, de nombreux voisins ont suivi. De même, si Cryptoblabes fait parler d’elle dans le vignoble méditerranéen, chez les Ortola, « on ne va pas dire qu’on n’en a pas » mais un équilibre s’est créé sans préjudice pour la culture. Au niveau maladie, le climat est clairement en faveur de la vigne sans soucis de mildiou. La protection se réalise avec moins de 1 kg/ha de cuivre. La pression serait plus sur l’oïdium mais la stratégie des vignerons aide à y faire face : un soufre mouillable à chaque passage est complété de deux poudrages, positionnés vers la fl eur et la fermeture de la grappe, « mais surtout
quand les conditions météo, et en particulier le vent, les rendent possibles ».

La protection est complétée par l’utilisation d’huiles essentielles adaptées en mélange en fonction des besoins : orange douce, origan, clou de girofle, ail. Au niveau de la haie foliaire, les vignerons veillent à un palissage adéquat, avec une bonne répartition du feuillage assurant l’aération. Aucun travail particulier d’eff euillage n’est réalisé, juste un épamprage de début de saison, afi n d’éviter les échelles à mildiou et la concurrence vis-à-vis des fruits.

La diversification du Domaine

Du restaurant…

Ce dernier est ouvert du lundi au vendredi, tous les midis avec un menu à la semaine. Créé par la famille Ortola, il est en gérance avec un chef et une pâtissière. « Notre idée est de pouvoir mettre en valeur les productions locales de notre terroir. Nous souhaitons en outre que le domaine s’agrémente d’un lieu où il fait bon venir. Et nous aimons bien y manger aussi… », souligne Hélène Ortola. On y trouve une cuisine de saison avec des produits locaux, et bien évidemment les vins du domaine mais pas que.

… à la brasserie

Au restaurant, on peut également trouver des bières Ortola. Nelson Ortola a mis en place un atelier brassicole avec achat du malt et du houblon pour élaborer des bières bio. « Nous avons une petite partie expérimentale de culture de houblon », précise t-il. Il réalise de plus des bières à façon pour d’autres brasseurs ayant leurs propres recettes. Les Ortola n’ont pas passé le pas de créer des produits originaux à base des produits de la vigne et de la brasserie mais à l’inverse ils ont déjà fourni du moût et du marc à des brasseries partenaires pour élaborer des brassins spéciaux. 

AU CHAI

Au plus simple, sans intrants

« Nous agissons en priorité à la vigne, témoigne Nelson Ortola. Et le fait de vendanger une grande partie à la machine, nous aide à pouvoir récolter à la maturité optimale, même de gros volumes. Par exemple, la syrah garde une maturité optimale sur un temps très court. Or nous avons 60 ha de ce cépage. Nous n’aurions jamais le temps, en vendange manuelle, de tout ramasser à la bonne maturité. »

Pour avoir ce juste équilibre, les vendanges sont souvent effectuées de nuit ou tôt le matin pour garder de la fraîcheur. « Et aucune benne n’attend à la vigne, c’est primordial », souligne le vigneron. Avoir ainsi des raisins et donc des moûts bien équilibrés assure la réalisation de vins sans intrants. « Et sans défauts ». Les fermentations se font en levures indigènes et sans SO2 avec une cave entièrement équipée pour le froid et la maîtrise des températures. Le sulfitage n’intervient qu’après fermentation malolactique ou fermentation alcoolique « pour qui en a besoin ». Ainsi le domaine propose beaucoup de cuvées en rouge sans sulfites avec une belle expérience depuis 2013 ainsi que quelques blancs et rosés. « Ce qui est intéressant, c’est qu’en plus de cela, grâce au bel équilibre des raisins, on a aussi des vins qui se gardent dans le temps tout en restant sur le fruit. »

Un suivi très pointilleux

Pour arriver à ce résultat, rien n’est cependant laissé au hasard. En effet des pieds de cuves sont réalisés 1 à 2 jours avant la récolte afin d’assurer un démarrage rapide des fermentations sans déviance. Puis des analyses sont menées très régulièrement pour valider que tout se passe bien. « Nous en effectuons en moyenne tous les trois jours en période de vendanges », précise Hélène Ortola. « Nos vins doivent être bons, voire très bons et naturels, appuie son frère. Nous nous devons d’avoir l’oeil sur tout et garantir au consommateur le meilleur produit. » Les fermentations se passent en cuves béton avec un contrôle des températures permanent. Les vendanges manuelles ne sont pas forcément éraflées. « On s’adapte à la maturité, » explique le vigneron. Pendant les fermentations, grâce à un turbo pigeur, une aération est pratiquée quotidiennement voire tous les deux jours. Remontages et aération sont pilotés par la dégustation et les analyses. « Le respect du produit avant tout. » Les filtrations se font en fonction des besoins.
Cela dépend du type de vin et de sa mise en bouteille. « Nous les limitons de plus en plus et suivons davantage la piste d’éducation du consommateur afin d’éviter par cette manipulation l’altération des qualités organoleptiques des vins. »

Arnaud Furet

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